Une demande croissante pour les textiles en fibre de bambou
Avec la demande croissante ces dernières années pour des textiles plus qualitatifs et plus respectueux de l’environnement et de la santé, les produits textiles en fibre de bambou ont vu leur demande augmenter considérablement.
Vantés pour leurs propriétés antibactériennes, leur biodégradabilité, leur haute capacité d’absorption d’humidité, leur douceur, leur séchage rapide et leur capacité de protection des UV, les textiles en bambou semblent avoir toutes les qualités requises pour se présenter comme la meilleure option face aux autres textiles. Qu’en est-il vraiment ?
Le textile en bambou fait sa première apparition en occident dès 1864
La recherche sur l’utilisation de la fibre de bambou en tant que fibre textile ne date pas d’hier. En effet, le premier brevet américain concernant les textiles à base de fibre de bambou a été déposé par Philipp Lichtenstadt en 1864. Ce brevet concernait l’invention d’un « procédé nouveau et utile pour la désintégration de la fibre de bambou, de sorte qu’il puisse être utilisé dans la fabrication de cordages, de tissus et de tapis, ou pâte à papier ». (Lichtenstadt, 1864; Waite, 2009)
Cependant, l’utilisation de la fibre de bambou en tant que fibre textile s’est réellement développée au début des années 2000, initié par plusieurs entreprises chinoises. (Nayak, 2016)
Comment est fait le textile à base de fibre de bambou ?
1. L’extraction chimique des fibres
Il existe deux méthodes principales de production de fibres de bambou: mécanique et chimique.
Le processus chimique est de deux types:
Le premier est celui de la transformation en viscose par laquelle on extrait les fibres à l’aide de produits chimiques corrosifs, pour ensuite les extruder à travers des filières mécaniques.
Le second est celui du Lyocell. Le processus de fabrication du Lyocell est semblable à celui de la viscose, mais a un impact environnemental plus faible car le composé utilisé pour la dissolution de la cellulose n’est pas toxique et peut être recyclé à près de 99.5%.
2. L’extraction mécanique des fibres
L’extraction mécanique de la fibre de bambou est souvent qualifiée de « naturelle ». Lors de ce processus l’intervention d’une enzyme est nécessaire pour extraire les parties fibreuses, le reste du processus est entièrement mécanique. Cependant, ce type d’extraction est moins utilisé car il prend du temps, demande beaucoup de travail, est coûteux et sert une niche très spécifique du marché du textile. (Nayak, 2016)
La fibre de bambou la plus utilisée pour des applications textiles est celle du bambou Moso (Phyllostachys edulis).
Les caractéristiques mécaniques de la fibre de bambou pure en fibre et en fil sont assez similaires à celles des fibres régénérées (viscose et lyocell). (Erdumlu, N., & Ozipek, B., 2008)
Pourquoi la fibre de bambou est une fibre textile intéressante ?
Une grande partie des raisons pour lesquelles le bambou est une alternative intéressante pour la production de fibre textile vient des qualités de la plante en elle même:
Forte séquestration du carbone atmosphérique, stabilisation des sols, assainissement des sols, culture sans produits phytosanitaires… Face à cela, le coton représente 11% de tous les pesticides et de 16% à 25% de tous les insecticides utilisés chaque année dans le monde (EJF, 2007; Waite, 2009), en sachant que 60% de la production de coton sert à la fabrication de vêtements.
Le bambou présente des rendements en production de fibre bien plus important que toutes les autres fibres naturelles: plus de 50 fois plus de fibre par acre que le coton. (Durst, 2006, Waite, 2009)
Le bambou peut être récolté de manière durable lorsque le chaume atteint l’âge de 3 à 5 ans, contrairement à une forêt qui met plus de 60 ans à se remettre de la déforestation si l’on souhaite de la fibre de bois.
La fibre de bambou a de fortes capacités d’absorption de l’humidité: Elle absorbe jusqu’à jusqu’à 3 fois son propre poids en eau, et pour rester sur la comparaison avec le coton, la fibre de bambou absorbe 2 fois plus d’humidité que la fibre de coton. (Erdumlu, N., & Ozipek, B., 2008)
La fibre de bambou aurait des propriétés antibactériennes et antifongiques. Nous reviendrons sur ce point dans la partie suivante.
La fibre de bambou a t’elle des propriétés antibactériennes ?
Plusieurs études scientifiques et de nombreux sites internet mentionnent le fait que la fibre de bambou aurait des propriétés antibactériennes et antifongiques. Ces propriétés seraient dues à un agent antibactérien connu sous le nom de « bamboo kunh« . Cette substance permettrait d’éliminer les mauvaises odeurs dues aux bactéries se développant dans les fibres textiles.
Cependant, les avis et expériences divergent sur la véracité de ces vertus.
Des tests ont été réalisés par le China Industrial Testing Centre en 2003 et ont mis en évidence que les tissus de bambou testés avec une souche bactérienne Staphylococcus aureus avaient un taux de destruction de la bactérie de 99.8% après 24h. (Waite, M., 2009)
Une autre expérience a été réalisée sur des fibres de bambou de l’espèce Neosinocalamus affinisen en prenant en compte les influences de la forme de la fibre, de son hygroscopie et de ses modalités d’extraction. Les 3 microorganismes testés étaient Escherichia coli, Staphylococeus aureus, et Candida albican. Les résultats ont montré que la fibre de bambou naturelle n’a pas de propriétés antibactériennes supérieure aux autres fibres textiles. L’étude a également montrée que le taux bactériostatique de la fibre de bambou régénérée contre S. aureus était de 75.8%, et de 41.4% contre E. coli. Cependant, le pouvoir antibactérien de la fibre de bambou régénérée serait en grande partie du à l’utilisation des produits chimiques dans le processus de fabrication. (Xi, L. X., & Qin, D. C., 2012)
Les qualités antibactériennes et antifongiques des fibres de bambou font toujours débat et nécessitent d’autres documentations et expériences scientifiques. (Nayak et al., 2016)
Pour conclure sur les textiles en bambou…
Pour conclure, la fibre de bambou présente un très fort potentiel pour une utilisation en tant que fibre textile, mais celui-ci est encore inexploité. La fibre de bambou naturelle extraite mécaniquement est une alternative écologique, mais qui n’est pas encore viable économiquement. La plupart des textiles à base de bambou sont donc pour le moment issus du processus du viscose qui utilise des composés chimiques toxiques.
À l’heure actuelle, il n’y a qu’un petit nombre d’usines de fabrication en Chine qui fabriquent de la fibre de bambou naturelle, mais la recherche s’accentue à ce sujet et le bambou devrait révéler pleinement son potentiel dans les prochaines années. (Nayak, 2016)
Références bibliographiques:
Durst, S. (2006) The Panda Food in Your Plants Business 3.0. 7.
EJF, 2007, The Deadly Chemicals in Cotton, Environmental Justice Foundation in collaboration with Pesticide Action Network UK, London, UK. ISBN No. 1-904523-10-2. [En ligne] Consulté le 20/11/2019.
Erdumlu, N., & Ozipek, B. (2008). Investigation of regenerated bamboo fibre and yarn characteristics. Fibres & Textiles in Eastern Europe, 16(4), 69. [En ligne] Consulté le 22/07/2019.
Lichtenstadt (1864) Improvement in preparing fiber from the bamboo USP 41,627
Nayak, L., & Mishra, S. P. (2016). Prospect of bamboo as a renewable textile fiber, historical overview, labeling, controversies and regulation. Fashion and Textiles, 3(1), 2. [En ligne] Consulté le 20/11/2019.
Waite, M. (2009). Sustainable textiles: the role of bamboo and a comparison of bamboo textile properties-Part 1. Journal of Textile and Apparel, Technology and Management, 6(2). [En ligne] Consulté le 20/11/2019.
Xi, L. X., & Qin, D. C. (2012, August). The antibacterial performance of natural bamboo fiber and its influencing factors. In Proceedings of the 55th international convention of society of wood science and technology (pp. 1-8). [En ligne] Consulté le 20/11/2019.