Depuis 2015, la culture du bambou à vocation agricole et industrielle connaît un essor rapide en Europe, et notamment en France. Ce développement s’appuie sur plusieurs acteurs majeurs du secteur, tels que les sociétés Onlymoso, Bamboologic, et plus récemment la société française Horizom.
L’entreprise italienne Onlymoso a implanté depuis 2014 plus de 2 000 hectares de bambou (Phyllostachys edulis) en Italie, ainsi que plus de 150 hectares en France. De son côté, Horizom a engagé depuis 2022 un programme de plantation ambitieux, totalisant déjà plus de 500 hectares de bambou sur le territoire français. La société Bamboologic est quant à elle plus discrète sur son développement en France.
Dans cet article, vous allez découvrir toutes les informations sur la culture du bambou.
Et en tout cas, notre vache Highland se plaisait bien dans notre jeune plantation de Moso en Bretagne !
Peut-être que dans quelques années elle y trouvera de l’ombre comme les vaches en Inde 😉 :
Comment créer une bambouseraie ?
Pour créer une bambouseraie rapidement, il faut planter idéalement entre 400 et 1800 plants de bambou par hectare. Créer une bambouseraie nécessite aussi l’installation d’un système d’irrigation goutte à goutte.
Dans la suite de l’article je prendrai l’exemple de la culture du bambou Phyllostahys edulis car c’est celle sur laquelle j’ai le plus d’expérience mais il existe de nombreuses espèces de bambou avec un intérêt commercial.
Si vous souhaitez visiter un producteur de bambou en France, vous pouvez participer à une visite guidée et formation à la culture du bambou sur notre plantation de Phyllostachys edulis de juin 2019 (en Bretagne). Pour cela vous pouvez voir les dates disponibles en cliquant sur le lien ci-dessous.
Au programme:
Visite d’une plantation de bambou géant Moso
Explications techniques sur la culture du bambou
Réponses à toutes vos questions sur la culture du bambou
1. Le travail du sol avant la plantation
Pour le travail du sol avant la plantation, il y a plusieurs cas de figure:
Si vous avez une prairie avec une terre souple, vous pouvez travailler seulement les lignes de plantation avec un outil étroit. (C’est ce qui a été fait sur la plantation sur la photo ci-dessus)
Dans toutes les autres situations, pour faire simple on travaillera le sol comme pour un semis de maïs, la terre doit être bien souple et fine à la plantation.
Il est également important de faire une fertilisation de fond avant de planter, surtout sur une terre pauvre. Vous pouvez par exemple épandre du lisier de bovins.
Ayant été prestataire commercial pour Onlymoso pendant 4 ans, j’ai personnellement fait le suivi de plus de 10 plantations de bambou Moso, et les 2 plantations qui ont été faites sur une pairie en ne travaillant que les lignes de plantation sont parmi celles ayant donné les meilleurs résultats.
2. La tranchée pour contrôler la croissance des rhizomes
Le bambou géant Phyllostachys edulis étant traçant, il est important de prendre des mesures pour éviter que ses rhizomes ne dépassent la zone de plantation.
Vous devez donc impérativement creuser une tranchée autour de votre plantation de bambous.
Comme nous l’avions vu dans mon article sur les rhizomes du bambou, 80% de la biomasse rhizomes + racines du Phyllostahys edulis se trouve dans les 30 premiers centimètres du sol.
Je vous recommande de creuser une tranchée de 60 cm de profondeur minimum pour délimiter votre plantation. De cette manière, chaque année vous pourrez faire un tour de la tranchée et couper les nouveaux rhizomes qui tenteraient de s’échapper.
3. La plantation
Le jour de la plantation et les jours qui vont suivre sont très importants. J’ai observé de meilleurs résultats pour les plantations faites de début mai à début juin, après les dernières gelées.
Vous devez éviter de planter vos bambous si les conditions sont mauvaises. Je vous déconseille par exemple de planter vos bambous un jour avec beaucoup de vent quand il fait chaud. Un jeune plant de bambou avec ses grandes feuilles et ses tiges très fines peut griller très rapidement s’il est exposé à un vent chaud, surtout s’il est mal arrosé.
Au niveau de la densité de plantation, cela dépend du nombre de plants que vous avez. Sur une plantation de 1800 plants par exemple, vous pouvez faire des allées de 3,5 m et mettre un espacement entre les plants sur l’allée de 1,7 m.
Très important, dès que vous avez fini une ligne de plantation, les plants de la rangée doivent être arrosés 1 par 1 à l’aide d’une tonne à eau. On apportera 10 litres d’eau par plant. Je vous conseille fortement de le faire, cela permet d’avoir un meilleur taux de réussite. Le jet d’eau permet de tasser la terre avec la motte de terreau du bambou planté et d’éliminer les bulles d’air, en plus d’apporter de l’eau nécessaire au développement du bambou.
Enfin, le système d’irrigation goutte à goutte doit être mis en place et opérationnel le jour même de la plantation.
Que vous ayez 400 ou 1800 plants à mettre en terre, au bout d’un certains nombre d’années (10 à 15 ans), vous obtiendrez le même résultat. Cependant, toutes choses étant égales par ailleurs, vous obtiendrez des récoltes plus importantes plus rapidement les premières années avec 1800 plants qu’avec 400 plants. Il est également plus facile d’entretenir une bambouseraie de 1800 plants car le bambou prendra plus rapidement le dessus sur les adventices.
4. La gestion de la bambouseraie les 3 à 8 premières années après la plantation
L’irrigation au goutte à goutte
Avoir un système d’irrigation goutte à goutte est indispensable les premières années après la plantation si vous avez pour objectif d’avoir des rendements élevés rapidement.
La première année après la plantation, il est très important de surveiller l’irrigation du bambou de très près. S’il ne pleut pas, on apportera entre 2 et 6 litres d’eau par jour et par plant en moyenne en fonction du type de sol et de l’exposition. Cela représente 1000 à 3000 m3 d’eau par an en moyenne.
Ensuite, une fois que les jeunes plants de bambou sont bien implantés, l’irrigation est moins indispensable mais toujours nécessaire pour accélérer le développement de la bambouseraie. Si vous n’arrosez pas pendant 1 semaine, vous ne risquez plus de voir tous vos plants griller et mourir. Cependant, si vous n’irriguez pas et qu’il ne pleut pas au moment du développement des nouvelles pousses ou au moment du développement des bourgeons sur les rhizomes, vous risquez de perdre en potentiel de rendement.
Je vous conseille d’éviter tout autre système d’irrigation que le goutte à goutte. C’est très simple: Parmi 3 plantations que j’ai accompagné, ce sont celles dont les agriculteurs ont décidé d’arroser à l’enrouleur plutôt qu’au goutte à goutte qui ont le moins bon développement.
La fertilisation
Pour avoir un rendement élevé rapidement et des bambous en bonne santé, il est important d’apporter de l’engrais.
Le meilleur moyen d’apporter de l’engrais est de le mettre en soluble dans le système d’irrigation goutte à goutte.
Voici un exemple d’apport optimal à moduler en fonction des caractéristiques de votre terre:
200 N
90-100 P
100-130 K
Je ne rentre pas dans les détails trop techniques ici sur les périodes d’apport d’engrais dans l’année mais si vous souhaitez en savoir plus j’en parle lors de la visite de plantation de notre plantation de bambou Moso.
Le contrôle des prédateurs (mulots, campagnols, lièvres…)
Les prédateurs qui peuvent faire le plus de dégâts sur le bambou essentiellement pendant les 2 à 3 premières années après la plantation sont:
Les campagnols: Ils peuvent manger les jeunes rhizomes des bambous, ce qui les faire mourir. Nous avons eu entre 40 et 60 bambous morts à cause des campagnols la 2ème année après la plantation de notre bambouseraie. En général ils peuvent surtout faire des dégâts les 2 à 3 premières années, ensuite les rhizomes sont trop durs pour eux. Le campagnol est l’animal le plus nuisible pour le bambou en France.
- Les lapins et les lièvres: Ils peuvent couper les chaumes des jeunes bambous (d’après notre expérience ils ne les mangent pas, ils les laissent sur place sans y toucher). Sur les 1800 plants mis en terre nous en avons eu plus de 150 tués ou endommagés par les lièvres, mais ce problème est moins fréquent que pour les campagnols.
Il y a d’autres prédateurs qui peuvent aussi causer des dégâts mais généralement dans une moindre mesure: Rat taupier, ragondin, et sanglier (peuvent casser les jeunes pousses).
Quelles solutions face à ces prédateurs ?
Pour les lièvres et lapins, la meilleure solution est de grillager votre parcelle. La deuxième solution est de mettre un répulsif, mais cela ne marche pas très bien.
Pour les campagnols et mulots, vous pouvez mettre des perchoirs (cf photo ci-dessus) en prévention. Si leur population se développe trop, dans ce cas il faudra mettre un rodonticide (attention car cela est réglementé).
Certaines parcelles sont plus exposées aux campagnols. C’est en particulier le cas des parcelles au milieu de prairies. Egalement, certains facteurs peuvent favoriser leur développement. Par exemple si vous mettez un paillage trop épais, les rongeurs peuvent s’y abriter et s’y développer.
5. A partir de 3 à 8 ans après la plantation et dans de bonnes conditions de culture: Les premières récoltes de pousses
Dans de bonnes conditions de culture, on peut estimer que la première récolte de pousses de bambou Moso pour l’alimentation humaine pourrait se faire entre 4 à 8 ans après la plantation. La vitesse de croissance dépend de nombreux facteurs: type de terre, exposition, entretien (irrigation, arrosage, éclaircies), climat, etc…
En effet, si les conditions de culture sont bonnes, c’est à partir de ce délai que vous pourrez normalement avoir des pousses de 5 cm+ de diamètre sur le bambou Moso, ce qui commence a être intéressant en termes de rapport partie alimentaire/gaines de protection. C’est d’ailleurs à partir de ce diamètre de 5 cm que la société Onlymoso commence à acheter les récoltes de pousses à ses agriculteurs partenaires. Pour en savoir plus vous pouvez lire mon article sur la consommation des pousses de bambou.
Il y a certaines plantations (exclusivement en Italie) qui produisent des pousses de plus de 5 cm de diamètre au bout de 3 ans, mais cela reste rare. En France, je pense qu’il est plus raisonnable d’estimer une première récolte de pousses au bout de 5 à 8 ans dans des conditions de culture correctes et sans avoir rencontré de problèmes (notamment liés aux prédateurs du bambou).
Pour aller plus loin sur la culture du bambou, je vous conseille la lecture de mes 2 articles:
Article sur la récolte et les rendements en pousses et chaumes de bambou.
Article sur les types de sol pour le bambou
Article sur des idées de productions animales ou végétales à associer au bambou
Les 3 principales sociétés qui développent la culture du bambou en France
Onlymoso
Originaire d’Italie, Onlymoso est l’un des pionniers européens de la culture du bambou à grande échelle. Fondée en 2014, la société s’est spécialisée dans la production et la commercialisation du Phyllostachys edulis (également appelé bambou Moso), une espèce géante réputée pour ses usages multiples : biomatériaux, textile, alimentation et énergie.
Onlymoso a implanté plus de 2 000 hectares de bambou en Italie et environ 200 hectares en France. En Italie, les pousses de bambou et tiges issues des plantations Onlymoso sont déjà commercialisées.
Horizom
Entreprise française fondée en 2022, Horizom se positionne comme un acteur innovant de la « bambou-agroforesterie ». Cette société a déjà implanté plus de 500 hectares de bambou sur le territoire français, principalement dans le Sud-Ouest et le Centre.
Horizom met l’accent sur une approche scientifique et durable, combinant séquestration du carbone, régénération des sols et production de matières premières renouvelables. La société développe également des partenariats avec des industriels pour structurer une filière française du bambou, depuis la plantation jusqu’à la transformation locale.
Bamboologic
Bamboologic s’est donnée pour mission de développer une filière européenne du bambou durable, depuis la production jusqu’à la transformation. La société collabore avec des agriculteurs en France, aux Pays-Bas, en Espagne et au Portugal, dans une démarche axée sur la reforestation, la capture de carbone et la production de biomasse renouvelable.
Le bambou Phyllostachys edulis, un géant !
L’espèce de bambou proposée à la culture par la société Onlymoso pour la culture du bambou en France est le Phyllostachys edulis, aussi appelé Phyllostachys pubescens ou encore bambou Moso.
Ce bambou géant peut atteindre plus de 25 mètres de hauteur dans ses régions d’origine. Sa vitesse de croissance est impressionnante, le record enregistré étant de 119 centimètres en 24 heures ! Il recouvre plus de 3,5 millions d’hectares en Chine et est très utilisé pour la consommation de ses pousses et pour la construction.
J’ai fait un article complet au sujet du Phyllostachys edulis, en mentionnant notamment la manière dont il est cultivé, les conditions climatiques dans ses régions d’origine (précipitations, température) et les rendements qu’il permet d’obtenir. N’hésitez pas à y faire un tour en cliquant sur le lien ci-dessus.
Quels rendements en pousses de bambou espérer ?
La société Onlymoso annonce la possibilité d’obtenir des rendements allant de 7 à 15 tonnes de pousses à l’hectare pour la culture du bambou en France et en Italie dans une plantation à maturité. Que peut-on en penser ?
La culture du bambou n’ayant jamais été réalisée en France à des fins industrielles et commerciales, nous avons peu de recul sur ces rendements dans notre pays. Des bambouseraies existent bien, comme la bambouseraie d’Anduze, mais aucune n’est cultivée de manière « intensive » comme le propose Onlymoso, avec un plan de fertilisation et un système d’irrigation goutte à goutte comme Onlymoso le fait. Aussi, Onlymoso communique peu sur les rendements obtenus en Italie, même s’il est possible de voir des photos des récoltes sur les réseaux sociaux de certains représentants d’Onlymoso en Italie, comme sur la page Facebook de la société partenaire d’Onlymoso: Bambufacile.
Nous pouvons aussi nous pencher sur les données provenant d’études menées dans les pays asiatiques: Il semblerait qu’1 hectare de bambou Moso puisse produire de 5 à 28 tonnes de pousses en fonction du type de sol, du climat, de la densité, etc. Pour consulter mon article complet sur les rendements atteignables avec le bambou Phyllostachys edulis, rendez-vous ici.
Culture du bambou: Mon expérience
J’ai moi-même une plantation de bambou Moso réalisée en 2019 avec mon père, dont vous trouverez une photo ci-dessous prise au bout de 4 ans.
6 ans après la plantation, nous n’avons pas encore récolté de pousses. Les conditions de culture ne sont pas optimales (terre pas assez souple, climat pas idéal) et nous avons rencontré de nombreux problèmes dont les 3 principaux sont:
- Les prédateurs du bambou (plusieurs centaines de plants morts à cause des lièvres, puis des campagnols, et de nombreux plants endommagés)
- Des problèmes d’irrigation (problèmes avec le goutte à goutte, manque d’arrosage notamment dans les semaines après la plantation, système d’irrigation régulièrement défaillant)
- Des problèmes d’excès d’eau sur une de nos 2 parcelles (2000 m2 environ de perdus).
Nous pensons pouvoir faire la première récolte en 8ème année dans les endroits où les bambous ont le mieux poussé comme sur ceux sur la photo ci-dessous. Egalement, il nous paraît raisonnable d’espérer dans notre situation un rendement de 3-5 tonnes de pousses/ha/an à partir de la 12ème année dans les zones où le bambou n’a pas été trop touché par les lièvres et les campagnols.
Enfin, vous pouvez consulter la chaîne Youtube Bambou en France qui présente le suivi d’une plantation de bambou Onlymoso en Bretagne pour permettre d’avoir une vision objective d’une plantation de bambou Onlymoso:
