Bambou au bord d'une rivière

Le Bambou est-il Écologique ? Risques & Avantages

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Auteur: Mathieu Gilard

Le bambou est-il écologique ? Cette herbe géante fait de plus en plus parler d’elle, notamment pour ses qualités écologiques. Mais quelles sont-elles vraiment ? Et le bambou n’a-t-il que des qualités, ou présente t’il aussi des risques ?

Dans cet article, vous allez découvrir quels sont les différents avantages écologiques et inconvénients du bambou en tant que plante. 

Dans cet article nous allons prendre en compte seulement l’intérêt écologique du bambou en tant que plante, pas en tant que matériaux.

Résumé de l’article – Le bambou est-il écologique ?

Le bambou présente de nombreux avantages écologiques:

  • Fortes capacités de phytoépuration des sols par les rhizomes

  • Contrôle de l’érosion

  • Régulation des débits d’eau

  • Production d’oxygène plus importante qu’une forêt de feuillus

  • Forte absorption de dioxyde de carbone

  • Pas de produits phytosanitaires nécessaires

Quelques risques écologiques sont également à maîtriser:

  • Une biodiversité plus faible que dans une forêt d’arbres

  • Le caractère envahissant du bambou, notamment pour les bambous traçants

  • La floraison massive du Melocanna baccifera à Myanmar (921 000 hectares en 2009) fait exploser les populations de rongeurs

Découvrez chaque point détaillé dans la suite de l’article.

Les avantages écologiques du bambou

1. De fortes capacités de phytoépuration des sols

Rhizome Phyllostachys viridis “Houzeau“
Rhizome Phyllostachys viridis “Houzeau“ (Photo: Daphne Bettle Lewis)

Le système rhizomesracines du bambou est très dense dans la couche supérieure du sol. Le lessivage des nutriments y est donc presque inexistant.

En effet, 80% de la biomasse souterraine du bambou (rhizomes + racines) est située dans les 30 premiers centimètres du sol pour de nombreuses espèces. C’est en particulier le cas pour les espèces aux rhizomes leptomorphes (=traçants) tels que le bambou Phyllostachys edulis.

Ces propriétés, associées à sa production de biomasse très rapide, font du bambou un allié de taille pour l’assainissement des sols. (Kleinhenz, V., & Midmore, D. J., 2001)

D’ailleurs, nous pouvons citer l’exemple de la société française Bambooo for life qui conçoit et réalise des dispositifs de phytoremédiation et des stations de phyto-épuration écologiques avec du bambou pour les entreprises, les collectivités et les particuliers.

2. Une capacité de contrôle de l’érosion grâce aux rhizomes

Comme expliqué juste avant, les peuplements de bambou ont un vaste réseau de rhizomes, en particulier les bambous monopodiaux (=traçants).

Cette caractéristique permet aux peuplements de bambou d’avoir une grande capacité de contrôle de l’érosion, de conservation des sols et de l’eau, de prévention des glissements de terrain, et de protection des berges.

Également, une étude scientifique a montré que l’indice anti-érosion (c’est-à-dire la capacité du sol à ne pas se dissoudre dans l’eau qui s’écoule) dans les 40 premiers centimètres du sol dans un peuplement de bambous était de 1,05, ce qui est supérieur à celui d’une forêt de:

  • Robinia pseudoacacia (0,98)

  • Metasequoia glyptroboides (0,52)

  • Populus deltoides (0,38)

Une autre étude a montré que l’anti-érodibilité du bambou Moso est bien plus importante que d’autres forêts. Ainsi, dans l’ordre :

Bambou Moso (1,33) > Sapin de Chine (0,35) > Quercus acutissima (-0,75)> P. massoniana (-0,89)

Le bambou a donc des capacités de contrôle de l’érosion très fortes et pourrait être implanté dans des zones sensibles aux glissements de terrain par exemple. C’est un avantage écologique clé du bambou par rapport aux forêts.

(Song et al., 2011)

Phyllostachys edulis (Mosochiku, CC - BY -SA 3.0)
Phyllostachys edulis (Mosochiku, CC - BY -SA 3.0)

3. Régulation des débits d’eau

Avantages et inconvénients écologiques du bambou
Avantages et inconvénients écologiques du bambou

Les peuplements de bambou ont une forte capacité d’interception et de rétention de l’eau de pluie. Des scientifiques ont par exemple montré que le taux d’interception des précipitations d’une forêt de bambous Moso est 1,3 fois supérieur à celui d’une forêt de sapins. Ainsi, 1 hectare de bambou Moso peut stocker 3750 à 4200 tonnes d’eau avant d’arriver au point de saturation. (Song et al., 2011)

En Chine, plus de 90% des peuplements de bambou se trouvent dans les régions d’origine des principaux fleuves et lacs et le long des berges. Ils jouent donc un rôle important pour la régulation des débits d’eau et pour la réduction de l’érosion hydrique.

Le bambou permet de ralentir la vitesse des eaux de ruissellement et d’améliorer l’infiltration de l’eau dans le sol. Il assure aussi un rôle de filtration des éléments dissous dans l’eau, qui sont interceptés par son système rhizome-racine très dense en surface.

Cette qualité écologique du bambou permettrait de l’intégrer dans une zone tampon. Ceci permettrait de limiter le transfert des sédiments, des nutriments (phosphore et azote) et des pesticides vers les plans d’eau et les cours d’eau. Le bambou étant une culture pérenne, cette zone tampon serait efficace tout au long de l’année.

Une forte production d’oxygène: Un atout écologique de taille du bambou

feuilles semiarundinaria fastuosa
feuilles semiarundinaria fastuosa

Le bambou a un feuillage persistant et dense qui permet une photosynthèse efficace et donc une forte production d’oxygène. Des scientifiques ont ainsi détecté que la concentration d’ions négatifs d’oxygène dans l’air d’une forêt de bambou est 2 fois supérieure à une forêt de feuillus à feuilles persistantes au parc forestier national de la ville de Chongqing en Chine. (Song et al., 2011)

Absorption très importante de dioxyde de carbone

Depuis le protocole de Kyoto de 1997, la recherche sur l’identification d’écosystèmes permettant d’obtenir une rentabilité économique tout en étant capable d’éliminer de manière substantielle le dioxyde de carbone atmosphérique (CO2) s’accélère. Le bambou est l’une des plantes qui valide le mieux ces critères, du fait de ses plus de 10 marchés différents, et de sa forte capacité de stockage durable du CO2.

En effet, d’après Nath, A. J. et al. (2015), le taux moyen de stockage et de séquestration du carbone dans la partie aérienne d’une forêt de bambous Phyllostachys edulis exploitée au Japon est de 138 Mg.ha-1 (Mg = Mégagramme = 106 grammes = 1 tonne), alors qu’une étude réalisée sur 8 types de forêts exploitées au royaume unis estime le stockage de carbone moyen dans la partie aérienne allant de 40 à 80 Mg.ha-1, soit plus de 2 fois moins que le bambou P. edulis en moyenne. (Dewar, R. C. & Cannell, M. G., 1992)

De plus, selon les mêmes études, un peuplement de bambou exploité absorberait de 6 à 13 Mg.ha-1.an-1 alors qu’une forêt traditionnelle exploitée stockerait 2 à 5 Mg.ha-1.an-1.

Également, plusieurs études mettent en valeur l’avantage écologique du bambou d’absorption du CO2 dans un contexte d’augmentation du CO2 atmosphérique, car les espèces à croissance rapide réagissent beaucoup plus facilement à une teneur élevée en CO2 que les espèces à croissance lente. (Grombone-Guaratini, M. T., 2013)

Le bambou se cultive sans produits phytosanitaires: Qualité écologique intéressante dans le contexte actuel

Le bambou ne nécessite aucun produit phytosanitaire pour son développement. Dans un contexte tendu au sujet de l’utilisation de produits phytosanitaires à proximité des habitations en France, le bambou pourrait être une solution. Il pourrait être implanté dans les zones proches des infrastructures urbaines. En plus de représenter une zone sans traitement, le bambou ferait office de barrière de protection pour les habitations.

Risques écologiques du bambou

Une biodiversité plus faible que dans une forêt

La biodiversité présente dans un peuplement de bambous est moins importante que dans une forêt.

Par exemple, des scientifiques ont montré que les larges forêts de bambou de l’espèce Phyllostachys edulis entrainaient un déclin de la diversité des autres espèces végétales locales. (Isagi, 2016) Une autre étude a montré que la régénération des arbres était réduite dans les espaces colonisés par le bambou, à cause de sa canopée.

Cependant, le bambou présente aussi son propre écosystème. Une étude a montré que 25 des 440 espèces qui vivent dans la forêt amazonienne se trouvent dans les bambous. De la même manière, 15 espèces d’oiseau en Asie se nichent exclusivement dans le bambou. Il y a aussi d’autres espèces qui dépendent du bambou, comme bien évidemment le Panda Géant. (Yeasmin, L. et al, 2015)

Risque écologique à contrôler: L’envahissement du bambou si il n’est pas contrôlé

Le bambou peut se reproduire de manière sexuée, mais son principal mode de reproduction est asexué, par la propagation de ses rhizomes

Certaines espèces de bambou, notamment celles avec des rhizomes traçants, sont envahissante.

Rhizome de bambou

Avec leur croissance rapide, les bambous peuvent rapidement envahir des forêts et changer leur structure. Les bambous entrent en concurrence pour les ressources et la lumière avec les espèces végétales déjà en place.

Immense étendue de bambou
Immense étendue de bambou

Ils entrainent une réduction de la diversité des autres espèces et affectent également la régénération des forêts. Ceci peut conduire à une domination du bambou sur les autres espèces, avec de larges forêts constituées uniquement de bambou comme c’est le cas en Asie de l’Est. (Majumdar et al., 2015: Pagad, 2016)

Cependant, le rhizome des bambous traçants se développant dans les 30 premiers centimètres du sol, il est assez aisé de contenir sa croissance en prenant des mesures de précautions telles que la réalisation d’une tranchée ou l’installation d’une barrière anti-rhizomes. De plus, il est toujours possible de le détruire mécaniquement, comme nous l’avions vu dans l’article « Comment détruire des bambous envahissants« .

Tranchée anti rhizomes
Tranchée anti-rhizomes

La floraison massive sur de larges surfaces, un inconvénient écologique dans certaines régions du monde

Bambou en fleur
Bambou en fleur (Joi Ito de Inbamura, Japan, CC - BY - CA 2.0)

Nous l’avions vu dans l’article « Le bambou fait-il des fleurs » : Le bambou peut fleurir de manière :

  • Grégaire: Tous les bambous d’une même variété fleurissent au même moment à travers le monde

  • Sporadique: Seulement une partie des bambous d’un peuplement fleurissent

  • Annuelle: La plupart des espèces de bambous herbacés fleurissent annuellement

Comme évoqué dans l’article sur la floraison du bambou, les floraisons grégaires qui ont lieu sur de très larges surfaces peuvent avoir d’importantes conséquences écologiques, économiques et sociales dans certaines régions où le bambou couvre plusieurs dizaines, voire centaines de milliers d’hectares.

Par exemple, les espèces de bambou de sous-étage dans les forêts peuvent avoir un impact sur la régénération d’autres espèces. Leur floraison et leur mort entraîne un accès à la lumière beaucoup plus important pour d’autres espèces, ce qui bouleverse les équilibres qui étaient en place.

Panda géant en train de manger du bambou
Panda géant qui mange des feuilles de bambou

Egalement, les floraisons de bambou dont certains animaux spécialisés comme le panda se nourrissent peuvent mettre fortement en danger ces espèces. 

Enfin, l’abondance de nourriture provoquée par la production d’énormes quantités de graines peut entraîner l’explosion démographiques de certains rongeurs qui se nourrissent ensuite des autres cultures, comme c’est le cas dans l’état de Mizomar dans le sud-est de l’Inde avec le bambou Melocanna baccifera qui s’étend sur plus de 900 000 hectares. Ce phénomène a créé des famines dans certaines régions, j’en parle plus en détail dans l’article sur la floraison du bambou.

Pour conclure… Le bambou est-il écologique ?

Le bambou a donc de nombreux avantages écologiques en tant que plante : stockage de carbone, stabilisation des sols, production d’oxygène, régulation des débits d’eau, etc… De plus, nous n’avons pas évoqué ici les avantages écologiques apportés par le bambou en tant que produit de consommation, sujet qui fera l’objet d’un autre article.

Cependant, quelques inconvénients existent également avec le bambou tels que les problèmes d’invasion par les rhizomes et de réduction de la biodiversité. Les floraisons de masse du bambou peuvent également avoir de fortes conséquences écologiques.

Il convient donc de maîtriser le développement des peuplements de bambou pour éviter leur invasion dans d’autres espaces naturels. Le développement des rhizomes doit être contrôlé, par la mise en place de tranchées autour des peuplements de bambou par exemple.

Également, les signes de floraison doivent être surveillés. En cas de floraison, une solution pour éviter l’invasion du bambou par les nombreuses graines produites, ou encore pour éviter les problèmes dus au développement de granivores nuisibles pour les cultures environnantes pourrait être de détruire tous les chaumes du peuplement dès les premiers signes de floraison observés.

Lien avec l’actualité: Le développement en Europe de la culture du bambou avec Onlymoso

En Europe, la société Onlymoso souhaite mettre en place la culture du bambou à des fins industrielles et commerciales en implantant du bambou Phyllostachys edulis essentiellement. Plus de 2000 hectares de cette espèce de bambou ont été plantés en Italie et la société a commencé son développement en France depuis 2019.

Logo Onlymoso

Le développement de la culture du bambou Moso doit donc être maîtrisé, et les surfaces plantées doivent rester limitées pour pouvoir être bien contrôlées.

Les agriculteurs qui plantent ce bambou sont bien avertis par la société Onlymoso qu’ils doivent faire une tranchée tout autour de leur parcelle pour éviter l’invasion. Il s’agit effectivement d’une mesure très importante pour garder la maîtrise sur le développement de cette espèce de bambou.

Vous savez maintenant toutes les caractéristiques qu’i font du bambou une plante écologique, mais également les risques qui lui sont liés. 

Si vous avez des remarques ou retours d’expérience par rapport aux qualités et risques écologiques du bambou, n’hésitez pas à les partager en commentaires de cet article.

A bientôt 😉 !

Mathieu

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Références bibliographiques:

Dewar, R. C., & Cannell, M. G. (1992). Carbon sequestration in the trees, products and soils of forest plantations: an analysis using UK examples. Tree physiology, 11(1), 49-71. [En ligne] Disponible sur : https://www.researchgate.net/profile/Roderick_Dewar/publication/8144089_Carbon_sequestration_in_the_trees_products_and_soils_of_forest_plantations_An_analysis_using_UK_examples/links/0046351c512f53ddf8000000.pdf

Grombone-Guaratini, M. T., Gaspar, M., Oliveira, V. F., Torres, M. A. M. G., do Nascimento, A., & Aidar, M. P. M. (2013). Atmospheric CO2 enrichment markedly increases photosynthesis and growth in a woody tropical bamboo from the Brazilian Atlantic Forest. New Zealand journal of botany, 51(4), 275-285. [En ligne]. Consulté le 23/10/2019 Disponible sur : https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/0028825X.2013.829502

Isagi, Y., Oda, T., Fukushima, K., Lian, C., Yokogawa, M., & Kaneko, S. (2016). Predominance of a single clone of the most widely distributed bamboo species Phyllostachys edulis in East Asia. Journal of plant research, 129(1), 21-27.

Kleinhenz, V., & Midmore, D. J. (2001). Aspects of bamboo agronomy. [En ligne] Disponible sur :  https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0065211301740321

Majumdar, K., Nath, A. J., Gupta, A. K., & Datta, B. K. (2015). Bamboo invasion: threat to primate conservation in North East India. Current Science, 108(11), 1969-1971.

Nath, A. J., Lal, R., & Das, A. K. (2015). Managing woody bamboos for carbon farming and carbon trading. Global Ecology and Conservation, 3, 654-663.[En ligne] Consulté le 23/10/2019. Disponible sur : https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2351989415000281

Pagad, S. (2016). Bamboos and invasiveness. INBAR Working Paper 77.

Song, X., Zhou, G., Jiang, H., Yu, S., Fu, J., Li, W., … & Peng, C. (2011). Carbon sequestration by Chinese bamboo forests and their ecological benefits: assessment of potential, problems, and future challenges. Environmental Reviews, 19(NA), 418-428. [En ligne] Consulté le 14/02/2020. Disponible sur : https://s3.amazonaws.com/academia.edu.documents/30693242/Song_etal_ER_2011.pdf?response-content-disposition=inline%3B%20filename%3DCarbon_sequestration_by_Chinese_bamboo_f.pdf&X-Amz-Algorithm=AWS4-HMAC-SHA256&X-Amz-Credential=AKIAIWOWYYGZ2Y53UL3A%2F20200214%2Fus-east-1%2Fs3%2Faws4_request&X-Amz-Date=20200214T184718Z&X-Amz-Expires=3600&X-Amz-SignedHeaders=host&X-Amz-Signature=a64f0673fbe1ff3366b6bb7d4b05ef821793def3ec88dea911ea52571764159f

Yeasmin, L., Ali, M. N., Gantait, S., & Chakraborty, S. (2015). Bamboo: an overview on its genetic diversity and characterization. 3 Biotech, 5(1), 1-11. Disponible sur: https://link.springer.com/article/10.1007/s13205-014-0201-5

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